Au Mali, l’analyse des discordances entre le niveau national et le niveau local dans le domaine des politiques en lien avec le changement climatique questionne la problématique de la prise en compte des préoccupations des communautés locales (en l’occurrence rurales) dans ces politiques. Elle amène aussi à nous interroger sur les interactions entre acteurs et les effets induits par les politiques sur les réalités et les pratiques des acteurs concernés.
Le niveau d’implication des acteurs locaux dans la prise de mesures et politiques reste une préoccupation majeure. Les acteurs locaux ont toujours l’impression que « les choses se décident à Bamako », les processus commencent et se terminent à Bamako et le niveau local est très souvent mis de côté. L’information arrive très peu ou très en retard au niveau local. Les gens sont invités à participer à des rencontres à Bamako parfois à un ou deux jours de la tenue de ces rencontres, on ne leur envoie ni documents préparatoires, ni de détails sur le contenu des échanges. On dit simplement qu’ils doivent participer à des rencontres à tel endroit et avec tel partenaire. Ce qui ne leur laisse pas le temps de comprendre les enjeux liés à ces échanges. Il y a alors un véritable problème du niveau de participation aux processus de décisions.
Une difficulté majeure réside dans la langue de communication à l’occasion des débats locaux. Le plus souvent, ces documents sont produits en français, les agents techniques qui sont chargés de les expliquer, souvent, ne parlent pas les langues locales ou ne les maîtrisent pas ou peu. Cette barrière de communication limite la participation des acteurs locaux au cours des réunions de validation des politiques. Aussi, les acteurs locaux sont le plus souvent très faiblement représentés, ce qui empêche une véritable appropriation des processus par les acteurs locaux.
Il existe au Mali des initiatives dont les impacts sont parfois mitigés compte tenu des stratégies d’intervention et des problèmes de cohérence transversale. La plupart des acteurs locaux pointent un doigt accusateur à l’Etat central dont les politiques et les stratégies provoquent des dysfonctions du système.
L’une des initiatives jugées très pertinentes pour le développement agricole et son adaptation aux changements climatiques est l’appui de la météo au secteur agricole. En effet, le service de la météo délivre plusieurs services utiles au secteur agricole tels que la prévision saisonnière et le bulletin d’information agro météorologique. Pour renforcer la capacité des agents du service météo, le projet « Bâtir des communautés résilientes aux catastrophes » (BDRC) a été initié par la coopération italienne de 2003 à 2009 (Gubbels et al., 2010). Il avait réussi à mettre en place un groupe de travail pluridisciplinaire qui produisait toutes les décades des informations agro météorologiques décadaires destinées directement aux agro éleveurs. Ces informations constituaient un outil efficace d’aide à la décision pour les producteurs.
Il ressort qu’un grand nombre de documents de politiques publiques et de normes ont été produits et des institutions dédiées ont été mises en place au niveau national dans le cadre de la lutte contre le changement climatique. Cependant, sur le terrain, un fossé existe toujours entre la réalité des mesures au niveau national et les pratiques au niveau local par rapport à la mise en œuvre de ces politiques. Les interventions au niveau local ne sont pas toujours en cohérence avec le contenu des documents officiels qui eux aussi sont assez souvent mal connus à l’échelle locale. Des problèmes de mise en cohérence des interventions existent même au niveau des acteurs étatiques, entre eux d’une part, et avec les autres acteurs (pouvoirs traditionnels, services techniques, collectivités, organisations de la société civile) d’autre part. Il est souvent reproché à l’Etat central, selon les acteurs locaux, de ne pas faire le nécessaire pour éviter des divergences.
Au demeurant, il reste constant que l’écart entre les niveaux national et local vient du fait que les dispositions ne sont toujours harmonisées pour permettre une mise en œuvre au niveau local des mesures nationales prises. Une meilleure prise en compte des réalités sociales, économiques et culturelles en cours au niveau local dans la définition des normes nationales pourrait offrir plus d’opportunités pour réduire les écarts observés.